Pour terminer ce cycle du souvenir des Fêtes de l'armistice du 11 novembre 1918 qui commémore la fin de la grande guerre et rend hommage à tous les " Poilus " qui sont Morts au cours de ce désastreux conflit , avec émotion je publie ici, ce brillant historique et hommage de Jackie POGGIOLI, en l'Honneur du soldat TOMASINI Joseph Marie, fusillé et réhabilité lors de la première guerre mondiale.
Novembre
2013.
Le visage et la médaille…du Fusillé.
Joseph Tomasini, marié à Arminia
Lovichi, n’avait que 21 ans mais déjà deux enfants en bas âge quand il a été
mobilisé en août 1914. Incorporé dans le fameux 173e, il s’est distingué par sa bravoure lors des
premiers combats dans lesquels ce Régiment a été engagé, à Dieuze et Mogneville
notamment.
Le 10 septembre 14, il est blessé, entre
Couvonges et Vassincourt. Après un examen sommaire, réalisé…la nuit dans une
grange mal éclairée, le médecin-chef Cathoire l’accuse de mutilation
volontaire. Ce subterfuge dramatique avait fait son apparition sur le Front
après les débuts très meurtriers de la Guerre et un tel chef d’inculpation,
assimilé à un abandon de poste devant l’ennemi, était passible de la peine de
mort. A l’instar de Tomasini, quatre autres corses, blessés en même temps que
lui, ont été dénoncés comme des mutilés
volontaires par le même praticien : il s’agit de Jean-Martin
Giovannangeli, Xavier Padovani, François Lupetti et Jules Arrio.
Cette Affaire a lieu dans un climat de
corsophobie virulente, dénoncé notamment par le Colonel Chatillon, Commandant du
173e. Dans un rapport rédigé le 24 août 14, cet officier continental
évoque les injures, humiliations et mesures discriminatoires à l’encontre des
soldats de son Régiment, stigmatisés publiquement par certains gradés comme
étant « tous des lâches qu’il
faudrait tous fusiller ! » (sic) Ces diatribes suivent l’échec
sanglant de la première Offensive française de Lorraine, due à des erreurs de
l’Etat-Major mais attribué par ce même Commandement aux troupes méridionales du
XVe Corps, dont le 173e était une des composantes. Les régiments du
Sud, dont le sang a pourtant coulé à flots, sont alors présentés par certains militaires, journalistes et Sénateurs
de Droite comme…indolents, et accusés d’avoir battu en retraite de façon éhontée
devant l’ennemi!
C’est dans ce contexte de mise au pilori
collective que Joseph Tomasini et ses camarades sont désignés comme coupables,
forcément coupables, et traduits en Conseil de guerre, à Fromeréville, le 18
septembre 14. Condamné à mort ce jour-là, notre paisanu est fusillé dès le lendemain matin, en même temps que le
provençal Auguste Odde.
Quelques jours plus tard, le chirurgien-major Robert Proust, qui s’avère
être le frère du célèbre romancier, opère Jules Arrio, l’un des autres
protagonistes corses de ce dossier, et lui retire du corps des éclats d’obus allemand!
Il informe alors sa hiérarchie des preuves formelles invalidant l’accusation de
mutilation volontaire à son encontre. La condamnation d’Arrio est suspendue et
la procédure enclenchée va aboutir à la révision du procès de ce soldat et de
ses coïnculpés, victimes de l’examen sommaire et criminel de Cathoire. C’est
bien trop tard pour Tomasini et Odde mais leur Affaire va au moins faire
avancer le débat sur l’arbitraire de la Justice Militaire et devenir emblématique : c’est l’une des
premières « bavures » des Conseils de Guerre officiellement reconnues
par l’Armée et le pouvoir civil.
Le jugement définitif réhabilitant Tomasini
et ses camarades est prononcé le 12 septembre 1918 par la Cour de Cassation. Versés
enfin au dossier, les témoignages de plusieurs officiers, qui n’avaient même pas
été recueillis lors du procès, mettent en exergue le comportement très
valeureux de Joseph Tomasini sur le Front. Il sera décoré à titre posthume de
la médaille militaire et de la Croix de Guerre, comme en atteste le document
ci-joint, retrouvé par son petit-fils Jean-Marie. Les enfants du fusillé, Jean
et Josette, seront reconnus pupilles de la Nation. Sa veuve obtiendra une
pension. Une délégation officielle conduite par le chef d’escadron de
Gendarmerie de Sartène viendra en février 1919 à Monacia présenter publiquement
les excuses de l’Etat à sa famille et à la Municipalité.
La dépouille du jeune soldat,
vraisemblablement tué et inhumé à Béthelainville, ne sera pas en revanche
rapatriée en Corse, contrairement à celle de son compagnon d’infortune Auguste
Odde, ramené dans son village en 1922. Malgré une enquête approfondie, sa
sépulture s’avère aujourd’hui introuvable, comme celle de l’autre fusillé corse
réhabilité, Joseph Gabrielli. Tomasini ne pourra jamais reposer dans sa terre
natale, à l’inverse de Sylvestre Marchetti et François Guidicelli, deux soldats
passés par les armes dont les corps ont été ramenés dans l’île.
Si aucune photographie de Joseph Tomasini
n’a pour l’heure été retrouvée, son portrait -méconnu- a toutefois une
visibilité spectaculaire et symbolique à Aullène : le visage du Poilu
surmontant le Monument aux Morts de notre village… est le sien! Le maître d’œuvre
de ce monument, le Capitaine Joseph Lucchini, mon grand-père, avait en effet
tenu à ce qu’il en soit ainsi. Il avait lui-même réalisé de mémoire son portrait
sur une esquisse du projet qui a servi fidèlement de modèle au sculpteur. Il
avait même dûment prévu de graver une inscription -qui elle n’a pas été
possible à l’époque- précisant que le Monument était dédié à la mémoire de
Tomasini et rappelant son injuste
condamnation. Ces faits sont attestés par
un document manuscrit, daté de 1919 et conservé dans nos archives familiales.
Le Monument aux Morts de notre village, de
style par ailleurs très… militariste, est le seul du pays à arborer le visage
d’un Fusillé! Cette représentation atypique, tout comme notre Fontaine de la Liberté
et notre Temple, témoignent du profil décidément singulier d’Aullène à travers
l’Histoire.
Jackie Poggioli.
utile, belle et touchante mise au point...
RépondreSupprimerBonjour, Nous organisons une petite exposition sur les soldats du Midi à Aix en Provence et nous allons parler d'Auguste Odde et de Joseph Tomasini. Pourriez-vous nous autoriser à reprendre vos magnifiques photographies du monument pour illustrer un panneau sur ces deux fusillés. Je vous en dirai plus si vous le souhaitez. Cordialement,
RépondreSupprimerJY Le Naour
J'ai oublié de joindre mon adresse mail habituelle : jeanyves.lenaour@laposte.net
RépondreSupprimerBonjour Jean-Yves. Vous pouvez utiliser les photos du monument aux morts qui se trouvent sur ce blog ou sur le site http://aullene.net et ses extensions en citant les auteurs des clichés et le site d'Aulléne et de Monacia http://aullene.net. nous serions intéressés de publier ici une note (ou plusieurs) sur votre exposition. Bien à vous Sophie.
RépondreSupprimerconcierge2013 [à] aullene.net
Bonjour, Merci infiniment. Bien entendu le site sera cité. Pour les auteurs des clichés du monument, il s'agit de Jackie Poggioli, n'est-ce pas? Je vous tiendrai au courant pour l'exposition dans un prochain message. Merci encore et joyeuses fêtes.
RépondreSupprimerJYLN
Pour ce qui concerne les photos, il faudrait vérifier avec François car certains des clichés sont peut-être de lui.
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