Un soir je
reçus un coup de fil de Xavier. D’habitude c’était moi qui appelais et je me
sentais un peu coupable de ma négligence. Nous parlâmes du décès de sa fille
Sandrine, de Colette, son épouse dont je lui demandais des nouvelles, il me dit
qu’il avait quatre-vingt ans et cela me parut curieux mais au son de sa voix
qui faiblissait il me parut fatiguer
alors je fis en sorte de ne pas prolonger. C’était notre dernière conversation téléphonique mais
je ne le savais pas. Plus tard Colette me raconta qu’il lui avait dit m’avoir
téléphoné et maintenant je me demande si ce n’était pas un adieu.
Xavier,
mon ami ; les souvenirs que j’ai de
Xavier. Jeune homme, campé dans le but de l’équipe d’Aullène, muscles des
cuisses frémissants d’ardeur, piétinant en se plaçant face à l’attaquant
adverse la terre dure du fruste terrain, se jetant fougueusement dans les pieds
armés de crampons pour soustraire le ballon… plus tard, bien plus tard,
s’ébaudissant de nos frasques de jouvenceaux –nous étions trois, Richard Kemoun, Jean
Michel Benichou et moi-même- et accueillant dans sa chambre nos interminables parties de poker… plus tard encore me
soutenant au téléphone dans mes efforts d’écriture et m’apportant tant de
documentation qu’il est d’une certaine façon partout dans ce que j’ai écrit… et
passerais-je sous silence les repas que nous avons pu partager, ces moments
sérieux où nous opposions nos points de vue et nos séances de franches
rigolades ?
Xavier, si
vivant, dont la force d’âme comblait
sans peine le déficit de la force physique que la maladie lui avait
retirée. Xavier, mon ami, celui que tous les gens de ma génération vénéraient
pour avoir remplacé sans faillir Jean Benedetti Cinnareddu au poste de goal de
l’équipe d’Aullène. Xavier, mon ami ; je ne pouvais laisser passer dans le
silence ta disparition. Tu n’es plus, Xavier et tu manques à ta famille au
premier chef mais tu manques aussi à nombre de gens et tu ne te serais point
douté à quel degré. En tous cas tu me manques et me manqueras.
Je ne crois
pas à une vie ultérieure où nous pourrions nous rencontrer et nous raconter à
l’infini ces fables que nous aimions à créer ensemble. Je ne sais qu’une
chose ; j’ai quelque part en moi un lieu que nous partagerons jusqu’au
moment… car il en est ainsi de la vie,
mon ami. Je sais juste que lorsque je viendrais m’incliner sur le lieu où
reposent tes parents et où, fin Août, tes cendres seront déposées auprès de
celles de Sandrine, tout me reviendra de ta présence qui m’a été si chère et
que je repartirai plus fort du sentiment d’amitié renouvelé que nous avons partagé.
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