[Archives nat.] [BNF] [histoire militaire] Aullène - Angelin Natali, un Aullénois à Sidi-Brahim.
L'Emir Abd-el-Kader, par Ange Tissier, 1852 Huile sur toile conservée au Musée de Versailles |
Parmi les hussards de Montagnac, un aullénois : Ange François Natali, né à Aullène le 24 octobre 1822. Communément appelé Angelin, il était le grand père d’Angelin et l’arrière grand-père de Olga Natali.
Angelin Natali - Vers 1900 (Carte postale ancienne) |
Le colonel laisse quelques hommes, dont le hussard Natali, pour garder le camp et part à l’assaut des cavaliers, n’ayant pas prévu que derrière les crêtes, «une foule compacte», pour reprendre les mots d’Angelin Natali attend de sonner elle aussi la charge contre les Français.
Après deux heures de combat, tous étaient tombés. Trois officiers sur les quatre étaient morts, le quatrième, le commandant Courby de Cognord est blessé grièvement. Il est fait prisonnier et emmené au Maroc.
Des 82 prisonniers faits ce jour-là, onze reviendront en 1847, contre rançon, du Maroc, dont le commandant Courby.
Seuls restent alors la compagnie de carabiniers et le hussard Natali, commandés par le capitaine Géreaux et restés à la garde du camp. 83 hommes.
Le capitaine Géreaux donna alors l’ordre d’abandonner le camp et sur le conseil d’un des chasseurs, la petite troupe se réfugia dans un marabout situé à proximité : le marabout de Sidi-Brahim.
Dans le dénuement le plus complet (en fuyant le camp, les hommes avaient aussi abandonné le peu de vivres et des munitions qui leur restaient), ils se réfugient dans la petite enceinte fermée par un mur de pierres sèches.
Commence alors une résistance qui a duré trois jours et trois nuits : la bataille de Sidi-Brahim.
La bataille de Sidi-Brahim
Les hommes s’installent à leurs postes de combat de fortune, attendant toujours pour tirer que les hommes d’Abd-el-Kader soient très proches, pour ne pas risquer de gaspiller des munitions.
Les assiégés échangent plusieurs lettres avec les assaillants, sans ouvrir la porte, pour ne pas montrer leur dénuement. Abd-el-Kader va ainsi tenter par trois fois d’obtenir la reddition de ces hommes dont il pense qu’il en viendra facilement à bout.
Deux assauts violents plus tard, après des menaces et une promesse de garder leur vie sauve : rien n’y fait, les Français ne se rendent pas. Abd-el-Kader laisse donc deux à trois mille hommes à la garde du marabout, attendant que la faim et la soif fassent leur œuvre.
Pour essayer d’avertir d’autres régiments français, les hommes de Géreaux décident alors de fabriquer un drapeau de fortune avec un bout de cravate bleue de chasseur, un mouchoir blanc et un morceau de ceinture rouge. Le drapeau est accroché en haut d’un des deux figuiers de l’enceinte. Les hommes attendent une aide mais se préparent au combat : ils crénellent les murs et coupent leurs balles en morceaux pour avoir plus de balles à tirer.
Le 25, la faim mais surtout la soif commencent à torturer les hommes. Les assaillants n’attaquent plus vraiment, ils se contentent de garder le marabout. Tout le monde attend, la situation se fige.
Au matin du 26 septembre, n’espérant plus de secours, le capitaine Géreaux décide de quitter le marabout et de tenter de regagner la garnison de Djemaa-Ghazaouet.
Sortant du « fort », les Français commencent par attaquer à l’arme blanche un poste d’une quarantaine d’hommes affectés à la surveillance du marabout, en les surprenant pendant leur repas. Plusieurs hommes sont mortellement blessés pendant le trajet vers la garnison et c’est à ce moment là qu’Angelin est blessé, d’une balle à l’épaule gauche.
Arrivés sur une colline en face du fort de Djemmaa, les survivants seront encore attaqués par les habitants d’un village proche avec une frénésie impressionnante. Le combat était inégal entre la population et ces hommes exténués et à court de munitions qui ne peuvent plus qu’utiliser leur baïonnette sur les agresseurs qui s’approchent un peu trop.
Les Français ne durent alors leur salut qu’à trois coups de canon tirés du fort qui provoquèrent la fuite des attaquants.
Mobilisant leurs dernières forces, les 16 survivants de la colonne Montagnac partie trois jours avant, regagnèrent Djemmaa où ils furent accueillis par le médecin militaire.
Le bilan est lourd : sur les 427 hommes, seuls reviennent 16. Sur ceux-ci, cinq mourront dans les 3 mois à venir. Sur les 82 prisonniers, 11 reviendront. Soit un total de 22 survivants.
Et parmi eux, Angelin Natali.
Pour sa bravoure à Sidi-Brahim, Angelin fut nommé brigadier en mars 1846, chevalier de la Légion d’Honneur le 21 août suivant et maréchal des logis en 1848.
Nomination à l'ordre de la Légion d'Honneur d'Angelin - 21 août 1846 Document conservé aux Archives nationales, Pierrefitte-sur-Seine Côte LH/1975/80 |
Les compagnons d’Angelin furent eux aussi décorés de la Légion d’Honneur.
A qui la faute?
Devant un tel bilan, il est évidemment tentant de chercher des responsabilités.
Il est clair que l’engagement personnel de Montagnac contre Abd-el-Kader est une des causes essentielles. Montagnac vivait la présence de l’émir comme une attaque personnelle, Il constate qu’à quelques encablures de sa garnison, Abd-el-Kader organise la résistance contre les Français, qu’il leur fait « les cornes et la grimace » écrit-il dans une lettre à son frère de mai 1845. Dans un autre écrit de la même époque, il avoue : « Je suis un peu trop fatigué de jouer le rôle d’huître, dans mon écaille de Djemmaa, il faut que j’en sorte. L’inaction me tue. »
Il semble que Montagnac rêva d’un coup de fortune. Mais il faut bien reconnaître que s’il avait réussi, il aurait été acclamé en héros et personne n’aurait mis le doigt sur sa guerre devenue trop « personnelle ». Comme l’écrit le lieutenant Paul Azan dans sa somme de 1905 sur Sidi-Brahim, « on pardonne au héros les fautes du chef » et sa mort héroïque a plongé dans l’ombre le caractère inexcusable de son expédition.
La déroute d’Abd-el-Kader
La défaite de Sidi-Brahim provoqua une forte émotion en Algérie car pour la première fois il était patent que la révolte était partout, que les Français étaient isolés au final dans le pays avec de grandes difficultés de communication entre eux mais aussi que les bases d’un Etat algérien avaient été jetées par Abd-el-Kader qui avaient une grande capacité à fédérer les tribus.
Le châtiment fut à la mesure de l’émotion et les Français redoublèrent d’efforts pour achever la conquête de l’Algérie, laissant un corps expéditionnaire de plus de 100000 hommes en 1846 et laissant carte blanche aux généraux pour lesquels les pertes humaines, de quelque côté que ce soit, n’étaient pas un problème.
« Les méthodes de guerre employées par Bugeaud, et notamment la pratique systématique des razzias, ont eu raison de la combativité des populations algériennes, privées d’une grande partie de leurs ressources par la destruction de leurs récoltes et l’enlèvement de leurs troupeaux » ( Cf. Jacques Frémeaux, « Abd el-Kader, chef de guerre (1832-1847) », Revue historique des armées [En ligne], 250 | 2008, mis en ligne le 06 juin 2008, consulté le 21 septembre 2013. URL : http://rha.revues.org/194).
Ainsi lassés de la guerre, les chefs de tribu abandonnèrent peu à peu Abd-el-Kader et ce dernier n’eut plus d’autres choix que de signer la reddition du 23 décembre 1847. C’est dans le marabout de Sidi-Brahim qu’Abd-el-Kader se rendit aux troupes françaises, accompagné d’une cinquantaine de ses hommes. Emprisonné à Toulon et assigné à résidence à Pau puis à Amboise dans la Loire, l’émir fut libéré par Napoléon III en 1852. Exilé en Syrie, il meurt à Damas en mai 1883.
Pour les bataillons de Chasseurs, Sidi-Brahim est un symbole, une sorte de seconde fête nationale. Il est aux Chasseurs ce que Camerone est à la Légion Etrangère.
Ce billet a été écrit grâce au travail du lieutenant Paul Azan « Récits d’Afrique – Sidi-Brahim », publié en 1905 aux éditions Henri-Charles Lavauzelle, et conservé à la Bibliothèque Nationale de France.
Il est consultable librement et téléchargeable sur la base Gallica de la BNF. Pour y accéder, cliquer ici.
Les citations des courriers du colonel Montagnac sont extraites de cet ouvrage.
Pour télécharger le témoignage d’Angelin tel qu’il est rendu public dans les annexes de l’ouvrage de Paul Azan : cliquer ici.
Merci beaucoup pour cette contribution !
RépondreSupprimerCompliments... La narration de ce fait historique est extraordinaire. Très beau travail de recherches, belles illustrations. Toutes mes félicitations. PS: Je copie ton travail...
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