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L’Assemblée de
Corse et les Femmes
C’est un acte politique fort que les
deux Présidents de l’Assemblée de Corse ont accompli, ce 8 mars. Ils ont tenu à
célébrer la Journée Internationale de la
Femme de façon totalement inédite, dans ce lieu le plus représentatif du
Pouvoir politique insulaire. Et cet hommage, ils ont choisi de le faire en
s’appuyant sur un documentaire en langue corse, produit par ViaStella, consacré à des Résistantes insulaires
Déportées. C’est un choix doublement symbolique.
La
longue mise au ban du Corse, qui était la langue maternelle des héroïnes évoquées
dans ce film, renvoie en effet comme un écho troublant à leur oubli à elles. Le
choix de rappeler leurs parcours réveille de fait le souvenir de générations
d’ombres féminines qui ont fait la Corse mais qui gisent pourtant, sans nom et
sans visage, dans les ténèbres de l’Histoire.
L’effacement des Femmes, dans la
représentation mémorielle insulaire, est une évidence trop souvent ignorée ou
niée, alors même qu’elle crève les yeux : en témoigne -entre autres
exemples- leur absence totale dans la Statuaire civile corse, érigée dans
l’espace public, qu’elle soit d’ailleurs d’inspiration corsiste, bonapartiste,
jacobine, républicaine. Aucune effigie de femme sur nos places, aux côtés de
Sambucucciu, Vincentellu d’Istria, Sampieru, Napoléon et ses frères, les
maréchaux de l’Empire, les soldats et
Généraux corses des Armées de la République, les Résistants de la
Seconde Guerre ! Un Panthéon symbolique, uniquement viril, comme on le
voit. Aux oubliettes, même les quelques héroïnes du XVIIIe qui avaient pourtant
réussi à marquer la mémoire collective, Maria Gentile, Faustina Gaffori,
Rusanna Serpentini, A Monaca Rivarola.
Aux oubliettes toutes leurs congénères, y compris les Résistantes et Déportées du
XXe siècle. Le buste de Danielle Casanova, la seule héroïne rappelée dans la
pierre, n’est pas érigé dans l’espace public, mais dans une aire privée et
funéraire : son tombeau, perdu dans le maquis de Piana.
L’unique représentation féminine qui se
dresse sur nos Places publiques -en-dehors de la Madona, de l’allégorie de Marianne
et de celle de …la Pudeur (!) -c’est l’image de la Mère
des soldats de 14, montrant à ses fils le chemin à suivre : celui d’une
mort forcément glorieuse, au Champ
d’honneur -dans l’enfer des Tranchées.
Comme si c’était celui-là -si tant est qu’il ait existé !- le plus beau
rôle des Femmes corses dans l’Histoire, le seul qui mériterait d’être gravé
dans le marbre.
A l’opposé de cette terrifiante vision, façonnée
par le discours dominant, celle d’une
Mère sacrificatrice de ses enfants mâles, au nom d’un Pouvoir Supérieur, et celle
d’une Donna corsa qui ne participerait
de fait à l’Histoire qu’à travers les hommes de sa lignée, les Résistantes
insulaires déportées racontent une tout autre mémoire. Celle de Femmes engagées
contre un Ordre barbare, pas seulement comme mères, ou épouses/ filles / sœurs,
mais comme des êtres libres de toute tutelle, majeurs, même à cette époque où
l’Etat français ne leur avait pas encore octroyé le droit de vote, où elles
n’étaient pas considérées comme des citoyennes à part entière.
A l’heure où les Droits des Femmes sont
toujours niés ou remis en question dans de nombreux pays, et où la Corse est
secouée par des vents mauvais, oui, il fallait plus que jamais rappeler le
souvenir de ces Combattantes de la
Liberté, si oubliées des Commémorations insulaires de 1943 et de 1945. Il
fallait rendre publiquement hommage à ces Femmes
de l’Ombre, qui ont lutté contre le fascisme, celui de l’Occupant, mais
également celui de l’Etat français pétainiste.
Merci à Jean-Guy Talamoni et Gilles
Simeoni d’avoir remis ces Résistantes déportées au cœur du débat, ce 8 Mars,
dans cette Assemblée où bat le pouls de la démocratie corse.
Jackie Poggioli
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