[Nouvelles] Aullène > Exposition La Corse et les femmes, Conférence de Kewin Peche-Quilichini
Ce matin, Kewin Peche-Quilichini, archéologue de l'Université de Montpellier et bien connu ici pour son implication dans les chantiers de fouille autour de Aullène, est venu présenter une réflexion sur la femme corse dans la protohistoire.
Question de départ : les femmes corses étaient-elles des hommes préhistoriques comme les autres?
Même si elle ressemble à une boutade, l'interrogation permet de soulever des questions sur le genre et la séparation entre les sexes des tâches quotidiennes ou bien encore sur la place des femmes dans le modèle social et dans la représentation que la société peut avoir des femmes.
Au-delà de la distinction entre les sexes que nous comprenons immédiatement de façon anatomique, la différence entre les genres masculin et féminin est déjà plus problématique. Kewin a ainsi expliqué que définir le féminin et le masculin était ainsi un exercice beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît dans la mesure où même une analyse archéologique peut être biaisée par les constructions culturelles de l'observateur.
A partir de la photo suivante par exemple:
nous dirons tous que la petite fille est à gauche et le petit garçon à droite. Pourtant, nous n'affirmons ceci que par imprégnation sociale. Dans notre société, le rose est destiné à mademoiselle avec une jupe et des "chaussures de fille" alors que le jeune damoiseau hérite du bleu, du pantalon et des chaussures de sport.
En archéologie, on se heurte au même type de présupposés qui peuvent, parfois, gêner l'analyse. La présence d'une épée par exemple dans une tombe ne manifeste pas toujours la présence d'un homme. Dans environ 5% des tombes fouillées, l'épée accompagne un squelette féminin.
L'absence de définition ethnographique du féminin préhistorique rend donc difficile parfois l'identification du sexe des squelettes et donc l'analyse des pratiques funéraires mais aussi des rôles sociaux attribués à chaque sexe.
En effet, la seule façon de distinguer un squelette masculin d'un squelette féminin est l'analyse des os du bassin. Lorsque la partie centrale du corps n'est pas conservée, il est impossible de sexer le squelette. Or dans notre région, l'acidité des sols dissout le calcaire des os et complique donc le travail de fouilles archéologiques.
L'absence de sources écrites (l'apparition de l'écriture signant la fin de la préhistoire période étudiée par Kewin) termine de compliquer le travail de l'archéologue.
L'enseignement de Kewin Peche-Quilichini réside donc autant dans la méthodologie que sur le fond de la question.
Analyser la place des femmes dans la société protohistorique permet de s'interroger sur les croyances qui organisent notre propre pensée et qui, parfois, parasitent l'analyse des sites archéologiques.
Au final, il est intéressant de constater que cette question sur l'identité de la femme préhistorique corse renvoie à nos propres représentations sur l'identité de la femme sans considération d'époque.
O tempora o mores!, comme aurait conclu ce brave Cicéron!
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