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Un western corse : “Alta
Rocca” premier roman de Philippe Pujol.
Philippe Pujol, auteur de "Alta Rocca", un
western corse.
Ce jeudi,
Philippe Pujol, journaliste et prix Albert Londres en 2014, sort son premier
roman. Un western corse au coeur de l'"Alta Rocca".
Par Léo Marron Publié le 11/06/2020.
Quel est votre rapport avec la Corse ?
Ma mère est
corse, du village d’Aullène dans l’Alta Rocca. J’y suis toujours allé, à minima
un mois d’été, et j’ai toujours baigné dans une ambiance familiale "très
corse" avec mes oncles et tantes. C’est paradoxal, j’ai un rapport très
affectueux à la Corse sans y vivre, et un rapport encore plus affectueux à mon
village. Pour moi la Corse, c’est Aullène, c’est mon centre du monde.
Pour moi la Corse, c’est la montagne, et pas la mer. Je pense que chaque
individu possède plusieurs identités. Moi, j’ai cette identité corse, héritée
de ma mère, qui fait que j’ai une compréhension naturelle des us et coutumes,
de la manière de parler, de se comporter ici. Et c’est une richesse. Par
exemple, je suis convaincu que raconter des histoires, j’en ai fait mon
travail, c’est un héritage corse. Il y a un art de la narration particulier
ici, les corses racontent très bien les histoires. Je pense que ça a
façonné ma manière de parler et d’écrire.
Racontez
nous l’intrigue de ce premier roman ?
C’est un
western dans la Corse du XIXe siècle. Une histoire familiale. Deux frères
pourchassés. L’un choisit d’entrer en résistance et de rester en Corse. L’autre
part à l’aventure jusqu’aux Etats-Unis. J’ai essayé d’explorer cette dualité :
la résistance et la conquête. Plus généralement, la Corse se prête au genre
du western, pour les décors, les personnages et même cette intrigue familiale.
Si on prend le nom de cette région : Alta Rocca, ça sonne comme un western.
Mais je voulais aussi que ce roman soit ancré dans une réalité. Donc il y a un
mélange d’invention totale, de faits divers d’époque que j’ai extrapolé et d’un
fond historique réel pour lequel j’ai fait de vraies recherches.
Est-ce que
la géographie de la Corse est favorable à l’écriture d’un western ?
Oui, mais
pas seulement. Ce qui m’a poussé à choisir ce genre, c’est l’intrigue. Une
montagne à défendre face à des oppresseurs, la résistance, un endroit pauvre
où on se dispute le peu de biens disponibles. C’est en ce sens que ça devient
un western. Et, dans l’attitude des personnages aussi. Dans ce roman, ils ont
un sens de l’honneur particulier, une propension facile à la violence et
surtout un art de la politique. Et je pense qu’en Corse, cet art de la
politique est très prégnant, depuis les figures historiques comme Pasquale
Paoli ou Napoléon. Et dans les westerns, il y a toujours ce personnage : un peu
shériff, un peu chef de village, qui me fait penser à cet art de la politique.
Après, c’est vrai, quand j’étais enfant, j’imaginais déjà un western dans ce
décor du plateau du Coscione.
Pourquoi
avoir choisi, pour la première fois, d’aller vers le roman ?
J’ai eu
envie d’explorer l’identité corse à travers certaines notions. Par
exemple, pourquoi y’a t-il autant de fatalité dans le caractère corse ? Ou
encore, qu’est-ce qui fait un peuple ? Comment définir un peuple ? Qu’est-ce
qui fait sa spécificité ? Le rôle des femmes en Corse m’a aussi beaucoup
intéressé. Ce retrait apparent, alors qu’elles ont un rôle primordial dans
la construction politique du foyer et du territoire. Et j’ai voulu explorer
toutes ces notions à travers des genres littéraires : le drame et l’épique. Parce
que je trouve ces genres intrinsèques à l’histoire corse. Une histoire dure,
triste et belle à la fois. Dans le fait d’être Corse, il y a une puissance
dramatique, dans le sens noble. Et en ce sens, c’est un roman très
politique. J’ai essayé d’explorer tout cela : la violence, la politique,
les légendes qui construisent une identité. Mais, cette fois, je l’ai fait par
l’intermédiaire du romanesque.
Vous avez
fait des recherches historiques, comme une base pour votre travail ?
Oui, j’ai
voulu être vraisemblable, pas réel. Donc il a fallu faire un travail de
recherche pour explorer de façon fidèle les notions évoquées. Mais l’essentiel
du travail, c’est la narration. Ce n’est pas un objet journalistique, c’est
vraiment un roman. Mon travail s’est concentré sur l’intrigue, les personnages
et le style. Je suis dans le style le plus poétique que je puisse produire.
J’ai imaginé chaque scène comme pouvant être adapté en film. Dans la manière
d’écrire, c’est très différent du journalisme. Le journaliste doit retranscrire
une réalité brute. Pour ce roman, mon objectif est littéraire avant tout. Je
voulais explorer une réalité corse par des techniques et des mécanismes
d’écriture.
En plus de
cette sortie littéraire, vous publiez également une série de podcast sur
l’identité corse, dès le 15 juin.
Oui, c’est
un tout autre travail, cette fois ancré dans le réel. C’est un documentaire
sonore. Un parcours à travers la Corse, au cours duquel je me pose la question
: “qu’est-ce que l’identité corse ?” Je suis parti d’un constat, les
clichés qui m’agacent profondément chaque fois que j’évoque mes origines. Il
faut l’admettre, parfois certains sont eux-mêmes les artisans de ces
caricatures. Et parfois, la caricature devient une réalité dans l’imaginaire
populaire. Après avoir fait ce constat, nous sommes partis avec Anne-Sophie
Lebon, à la rencontre de personnages à travers la Corse. Et le résultat ? Il
n’y pas une seule identité corse. Partout, il y a des spécificités : dans
les accents, les physiques, les mentalités. Et encore une fois, c’est un
objet très politique. Je suis fasciné par cette volonté des corses de vouloir
garder leurs racines et d’y trouver ce qui va permettre d’avancer, de se
projeter vers l’avenir. Je pense que toutes ces notions sont le résultat d’un
immense brassage, la Corse est au coeur de la Méditerranée. Et je trouve que
c’est une force.
Pour votre
podcast, vous êtes partis "Par iStrada", sur la route, en hiver.
Pourquoi ?
J’ai voulu
sortir de la carte postale. Une carte postale c’est à la fois beau et sans
intérêt. Ca ne suffit pas. En été, la Corse est une industrie où on vend une
Corse factice. Mais ce n’est pas spécifique à la Corse, c’est pareil à
Marseille ou même en Bretagne. Avec l’hiver, toute cette théâtralisation
disparaît. Les gens retrouvent leur vie quotidienne, normale. Les
rencontres sont plus sincères, plus authentiques. Et puis, j’avais envie de
parler d’un territoire rude, plus vrai. La Corse en hiver, c’est la Corse
sans son maquillage estival. Et elle est encore plus belle et plus
intéressante. Donc c’est un documentaire sonore qui se complète très bien avec
le roman.
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