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CEREMONIE ET CONFERENCE du 9 AOUT
La statue du Poilu de notre
Monument aux morts a repris sa place, après sa restauration. Le retour très
attendu de ce soldat de pierre, conçu à l’effigie de notre concitoyen Joseph
Tomasini, fusillé pour l’exemple en 14-18, a de fait constitué, bien
au-delà de notre village, une reprise dans la mobilisation corse pour la
réhabilitation des victimes des Conseils de guerre.
Une nouvelle étape dans cette
démarche, amorcée à l’initiative de notre Municipalité et de Jackie Poggioli, grand
reporter à Viastella, réalisatrice d’un documentaire sur les soldats corses
fusillés et cheville ouvrière de la journée du 9 août.
Cet évènement s’est
accompagné d’une cérémonie, d’une Exposition et d’une conférence-débat qui ont
attiré, outre les habitants du village, des élus et habitants de toute la
région, mais aussi des militants venus de plus loin, adhérents de la Libre
Pensée, qui accompagnaient leur camarade Jean-Marc Schiappa.
Cet historien,
Président de l’IRELP, l’Institut de Recherche de la Libre Pensée, était invité
pour une conférence sur les Fusillés.
La cérémonie
La cérémonie devant le monument aux morts a eu lieu en
présence de notre communauté villageoise, mais aussi d’élus de toutes
obédiences et de diverses institutions, du Député nationaliste de la seconde
circonscription de Corse-du-Sud Paulu-Andria Colombani et son assistant Pierre
Jo Filiputti aux maires de l’Alta Rocca, en passant par Dominique Bucchini,
ancien Président de l’Assemblée de Corse, sous les couleurs du Front de
Gauche, Jean-Jacques Panunzi Sénateur LR et Jacques Rocca Serra, ancien Sénateur
des Bouches-du-Rhône.
Un éventail politique comme on le voit très large, que
venait compléter Jean-Marc Schiappa, militant trotskiste de très longue date.
S’il est en effet le père de Marlène Schiappa, actuelle Secrétaire d’état issue
des rangs de Gauche, il n’est pas du tout, pour sa part, entré dans les eaux de
la Macronie ! Il a même tenu à plusieurs reprises, notamment sur la
Corse, des propos publics très critiques envers les positions du Chef de l’Etat
et a rejoint le Comité de soutien de la France Insoumise lors de la
dernière campagne électorale pour les Européennes.
Outre son discours et celui du maire d’Auddè, Pierre
Castellani, deux allocutions émanant de jeunes gens du village et témoignant
d’une relève particulièrement motivée, ont été prononcées : l’une par
Santa Lucchini, arrière-petite-fille du Capitaine Joseph Lucchini, qui avait
fait ériger le Monument aux morts, et l’autre par Paul Tomasini-Mazières, 20
ans, descendant du fusillé.
C’est le plus jeune héritier direct de cette
mémoire très particulière de 14-18 à avoir, à ce jour, pris la parole lors
d’une cérémonie sur ce sujet, en Corse comme dans l’Hexagone. Il a rappelé qu’il
avait presque le même âge, à un an près, que son aïeul lorsqu’il est parti sur
le Front et qu’il a été fusillé, même si leur situation familiale était très
différente : Joseph Tomasini avait en effet déjà deux enfants, dont l’un était
à peine né lorsqu’il a été exécuté !
La prestation de Paul a été d’autant plus émouvante qu’elle a
eu lieu devant la statue représentant son ancêtre, dévoilée par un autre jeune
homme du village, Ghjulianu Poggioli, arrière-petit-fils quant à lui du
Capitaine Joseph Lucchini, maître d’œuvre du Monument aux morts érigé en 1921.
Comme
l’avait désiré l’officier du 173e R.I, ce n’est pas sous l’aspect
d’un fusillé mais d’un Combattant qu’est figuré Joseph Tomasini, blessé à
Couvonges et condamné à mort en septembre 1914, pour s’être soi-disant … mutilé
volontairement : une Affaire qui était survenue en pleine campagne violemment
xénophobe contre les Corses et les soldats provençaux du XVe Corps, accusés de
l’échec de l’offensive française - très mal préparée - de l’automne 1914, lors
de la Bataille des Frontières !
Après l’allocution de Paul Tomasini, un autre moment très
symbolique a suivi, avec l’interprétation par une jeune femme elle aussi
originaire de notre village, Davia Benedetti, de la Chanson de Craonne traduite
pour la première fois en corse par notre concitoyen Paulu Desanti, à la demande
de Jackie Poggioli.
La présence de cette célèbre chanson, emblématique des
mutineries de 1917 et longtemps censurée, semblait faire écho au profil
historiquement rebelle d’Auddè, un village marqué au début du XXe
par les combats pour la Laïcité, puis en 1943 par la Résistance contre
l’Occupant fasciste et dès la fin des Années 60 par la lutte du Mouvement
autonomiste puis nationaliste contre le Clanisme, si ancré dans cette région de
la Tarra di I Signori.
C’est probablement cet esprit frondeur qui explique pourquoi notre
village est non seulement le seul de l’île et de l’Hexagone à avoir l’effigie
d’un soldat passé par les armes sur son Monument aux morts, mais également le
seul à avoir une stèle bilingue, en corse et en français, rappelant cette
histoire.
En revanche, c’est avec plusieurs autres localités insulaires, du
Nord et du Sud de l’Ile, comme Tagliu Isulaccia, Casabianca, Zirubia, Munacia
d’Auddè, Petraserena, Santa Riparata di Balagna, que notre village est monté en
première ligne, depuis une décennie, pour la réhabilitation des Fusillés
pour l’Exemple. Une offensive sans laquelle ils ont été rejoints par bien
d’autres, si l’on en juge la pétition signée il y a quelques années sur le
sujet.
La conférence
Notre salle communale était bien trop petite d’ailleurs pour
accueillir le public venu voir l’Exposition sur les soldats corses fusillés et entendre
la conférence.
A la tribune, Jean-Marc Schiappa, Pierre Castellani et Jackie
Poggioli se sont retrouvés au coude-à-coude avec Dominique Bucchini et
Paul-André Colombani.
C’est d’une même voix, concernant les Fusillés pour
l’exemple, qu’ont parlé le Député nationaliste membre de l’actuelle
Majorité territoriale et l’ancien Président de l’Assemblée de Corse, figure
historique du Parti communiste, auteur en 2011 d’une Motion sur la demande de
réhabilitation des soldats passés par les armes en 14-18 ou condamnés au bagne
ou à la prison par des tribunaux militaires pour des raisons ne relevant pas du
droit commun.
Jackie Poggioli, dont le documentaire sur les fusillés corses
avait été à l’origine de cette Motion de l’Assemblée de Corse, un texte qui
l’évoque d’ailleurs, a rappelé l’identité personnelle de ces soldats insulaires
victimes des Conseils de guerre ainsi que leur profil social : des hommes de
milieux très modestes et deux militaires de carrière, originaires les uns comme
les autres du monde rural.
Jean-Marc Schiappa est pour sa part revenu sur le
long combat de son Association La Libre Pensée concernant les Fusillés
en France. Tout dernier acte de cette organisation, elle a été en 2019 à
l’initiative d’un très émouvant monument à la mémoire de ces soldats érigé à
Chauny, dans l’Aisne.
Le conférencier a précisé qu’avec son Association, il
allait solliciter dès la Rentrée tous les groupes de l’Assemblée Nationale pour
qu’ils se prononcent sur la réhabilitation des Fusillés.
Les organisateurs de la journée d’Auddè, appuyés par leurs
concitoyens, ont pour leur part lancé une autre proposition, centrée sur l’île
et sans doute plus susceptible d’avoir des suites concrètes et rapides.
S’appuyant
localement sur la pétition signée par le maire de de notre village en 2012 et
bien au-delà, sur la motion de l’Assemblée de Corse de 2011, réclamant la
réhabilitation des fusillés insulaires qui avait été votée à l’unanimité mais
n’avait reçu aucune réponse de l’Etat,
ils ont demandé que les représentants de
l’actuelle Collectivité de Corse promulguent officiellement, en son nom, cette
réhabilitation: Joseph Tomasini et Joseph Gabrielli ayant été rétablis dans
leurs droits durant l’Entre-deux-guerres, ils ne sont que quatre en fait dont les
familles sont toujours en attente d’une réhabilitation, dont celles des deux
militaires de carrière, engagés volontaires : le sergent Colonna-Bozzi d’Albitreccia
et le caporal Sylvestre Marchetti, de Tagliu Isulaccia.
L’initiative en faveur des Fusillés corses serait l’occasion
de faire entendre une nouvelle fois la voix d’une île, qui a montré ces
dernières années qu’elle était indéniablement capable de parler en son nom
propre. Cette démarche serait le reflet d’une Parole politique non inféodée à
un pouvoir d’Etat arc-bouté, plus de cent ans après la première Guerre Mondiale,
sur la justification de jugements notoirement entachés d’arbitraire.
En battant
en brèche publiquement ces condamnations pour l’exemple, la Corse serait
la terre pionnière d’une mesure de réhabilitation éminemment
démocratique : des officiers supérieurs français, notamment
le regretté Général Bach, responsable du SHD, le Service Historique de la
Défense, ont établi eux-mêmes en effet l’aspect hautement contestable, pour
un Etat de droit, des condamnations à mort prononcées par les Conseils de
guerre de 14-18, instruments d’une justice d’exception aux procédé expéditifs.
Contrairement à la France, d’autres pays, comme le
Royaume-Uni, La Nouvelle-Zélande, le Canada, ont acté depuis des années la
réhabilitation de « leurs » fusillés. Sans plus attendre, la Collectivité
de Corse pourrait solennellement promulguer la même mesure, de la même façon
qu’elle a pris d’autres décisions non conformes à celles de l’Etat, au nom de
l’humanité et de la justice. C’est en tout cas le souhait des nombreux participants à la Journée d’Auddè et d’élus de tous bords, que les organisateurs remercient d’avoir bravé la canicule pour être présents à leur invitation.
Un grand merci également à Raymond Lucchini, responsable « Mémoire » des Anciens Combattants du Sud de l’île, venu de Munacia pour enregistrer l’ensemble de cette Journée, ainsi qu’à Jean-Marc Schiappa qui s’est rendu disponible en pleines vacances pour tenir cette remarquable conférence.
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