Il y a cent ans...
Le texte ci-dessous a été proposé par Maria-Aurelia d'Auddè :
2015,
Centenaire de la deuxième année de la dite « Grande Guerre »,
correspond également à un autre sinistre anniversaire de ce conflit :
celui de la période où les fusillés pour l’exemple ont été le plus nombreux.
Leur question semble cependant avoir déserté le champ public insulaire.
Pourtant, aucune réponse n’a été donnée par l’État à la demande de réhabilitation collective
votée à l’unanimité, il y quatre ans, par l’Assemblée de Corse.
La seule mesure
officielle accordée par le ministère de la Défense à la mémoire d’un fusillé
non réhabilité a été, en 2012, une cérémonie à Ampuis concernant le soldat
Jean-Julien Chapelant. Elle avait été demandée par les écoliers de son village.
Visiblement la voix de l’Assemblée de Corse est moins audible à Paris que celle
des enfants d’une localité continentale !
Les demandes de
réhabilitation individuelles, envoyées au président de la République par les
familles des soldats Virgu Luigi et Sylvestre Marchetti -qui était un engagé
volontaire- sont elles aussi restées lettre morte. Balayés également les vœux
exprimés sur le même sujet par les présidents des deux Conseils généraux de
Corse, et par les maires des communes ayant eu un de leur fils passé par les
armes. Balayées les voix de la Ligue des droits
de l’Homme, de nombreuses association et de toutes celles, émanant de la
société civile insulaire, qui réclament la réhabilitation collective des
fusillés pour l’exemple.
Le gouvernement
considère visiblement avoir réglé définitivement cette question par une mesure
dilatoire adoptée en 2014 : la numérisation des dossiers des soldats
concernés, aujourd’hui disponibles en ligne, et l’aménagement d’un espace
évoquant les fusillés au musée de l’Armée. Fermez le ban : l’honneur des
fusillés pour l’exemple a été enterré une seconde fois.
La Corse, forte
de son héritage culturel, de sa conception propre de la justice et de son
rapport à la mémoire des siens, avait pour sa part donné un tout autre type de
réponse à ce sujet. Les dépouilles de Sylvestre Marchetti et de François
Guidicelli ont été ramenées sur leur terre natale, dans leurs villages, et les
circonstances de leur exécution sont rappelées sur leurs tombeaux. Le nom de
Virgu Luigi a été inscrit à l’initiative de sa famille sur le monument aux
morts de Casabianca. À Aullène,
une stèle a été apposée par la municipalité sur le monument aux morts à la
mémoire de Joseph Tomasini, réhabilité, lui, depuis longtemps mais dont la
dépouille, contrairement à celle d’un soldat passé par les armes avec lui, n’a
pas été rapatriée à l’époque et s’avère aujourd’hui introuvable.
Si la Corse a
marqué par ces multiples initiatives son refus de voir le souvenir de ses fusillés
pour l’exemple effacé à jamais, plusieurs d’entre eux gisent encore comme des
chiens, loin de leur île, sans même une tombe à leur nom. Parmi eux,
César-Antoine Colonna-Bozzi, d’Albitreccia, militaire de carrière aux états de
service irréprochables, passé par les armes pour avoir dû obéir à l’ordre
absurde d’un officier retiré entretemps du front… pour problèmes mentaux. Sa
réhabilitation, réclamée à maintes reprises après-guerre par ses camarades de
régiment, n’a jamais été accordée. Comme celles de ses camarades d’infortune,
corses ou pas, elle n’est toujours pas actée.
En cette fin
d’année 2015, où résonne si fort dans l’île le souvenir de nos poilus morts au
combat, plus nombreux dans tant de nos villages que leur population actuelle,
l’Assemblée de Corse doit publiquement dire à l’État, au nom de tous les nôtres tombés pour la
France, que la mesure de 2014 ne saurait être une réponse à la question
douloureuse des fusillés pour l’exemple. C’est un déni de justice. C’est une
injure à la mémoire de ces soldats et à leur honneur. C’est une disposition
inique, pour un pays qui se présente comme celui des droits de l’Homme, au vu
de la réhabilitation des fusillés réalisée depuis des années par plusieurs
autres pays, comme le Canada et le Royaume-Uni.
En l’attente
d’une loi ou d’une mesure digne d’une république héritière de 1789, l’Assemblée
de Corse, si elle est véritablement fidèle aux motions qu’elle vote, se doit de
leur donner suite et en l’occurrence d’organiser, par exemple, une cérémonie
symbolique pour nos fusillés. Qu’elle daigne apposer au moins, dans son
enceinte, une stèle rappelant leurs noms à tous. In mimoria à tutti i nosci morti di u 14.
Excellent !
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